Dans le Monde, une tribune de notre amie Annie Sugier du comité Atlanta Plus :
A quelques semaines des Jeux olympiques (JO) de Londres, l'affaire est d'importance. Il s'agit pour l'IFAB (International Association Board), organisme ayant autorité en matière de règles du football, de confirmer la levée de l'interdiction du port du hijab par les footballeuses. La décision finale devant être prise le 5 juillet à Zurich, lors de la réunion extraordinaire de l'IFAB.
Le débat sur ce sujet épineux a connu divers rebondissements, dont l'exclusion en début d'année 2011 de l'équipe de football féminine d'Iran lors des épreuves de qualification pour les JO de Londres. Motif : les joueuses portaient un hijab couvrant tout leur corps alors que la FIFA avait exigé, à titre de compromis, qu'au moins le cou et les oreilles soient découverts.
Le 3 mars, nouveau retournement, l'IFAB décide de lever l'interdiction du port du hijab, au prétexte que le hijab est "un signe culturel et non religieux", façon astucieuse de contourner le règlement de la FIFA (loi 4) qui interdit que l'équipement des joueurs comporte des signes politiques, religieux ou personnels.
UN GROUPE DE TRAVAIL PROVIDENTIEL
Pour arriver à cette conclusion, le vice-président de la FIFA, le prince Ali de Jordanie, avait dû mobiliser un groupe de travail ad hoc, en octobre 2011 à Amman.
Il balayait ainsi la portée des déclarations de Farida Shojaee, responsable du département femme de la Fédération iranienne de football, selon laquelle "les officiels de la FIFA ont confondu le hijab religieux avec un costume national".
Il balayait tout autant les analyses des spécialistes des textes musulmans qui, à l'instar de Samir Amghar, chercheur à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, affirme sans la moindre ambigüité : "Les quatre écoles de jurisprudence dans la théologie musulmane qui édictent les normes en matière de loi islamique sont unanimes à affirmer que le port du voile relève d'une obligation religieuse."
Il restait juste à savoir si le hijab sportif était sans danger.
NOUVEAUX REBONDISSEMENTS
A la surprise générale, la Commission des experts médicaux de la FIFA, chargée d'examiner les résultats des tests de sécurité réalisés sur différents échantillons de hijab, fait état, lors d'une réunion à Budapest en mai 2012, d'éléments nouveaux la conduisant à réclamer avec force que l'interdiction du port du hijab ne soit pas levée !
Selon le Dr Michel D'Hooghe, chef de cette Commission, des essais supplémentaires, sont nécessaires, "certains médecins, y compris de pays musulmans", considèrent que le port du hijab par les footballeuses "présenterait des risques de lésion au niveau du cou et de la carotide en cas de collision lorsque celle-ci se produit à grande vitesse". Le prince Ali, se dit "choqué" et affirme que ces points ont déjà été vérifiés. Indigné, il exige que le Dr D'Hooghe's fournisse des preuves, oubliant que lui-même n'avait produit aucun rapport à l'appui de ses dires.
Le comique de l'affaire c'est que la FIFA – qui a eu au moins le grand mérite de tenter de résister aux diktats de Téhéran – se trouve tiraillée entre les parties prenantes d'un débat sans fin.
Il est tout aussi paradoxal de voir que les promoteurs "de la culture de la modestie et du hijab pour les femmes à travers le monde", veulent à tout prix faire croire que le hijab et le sport sont faits l'un pour l'autre. C'est oublier que le sport c'est d'abord la fête du corps, et que le hijab est une stigmatisation du corps féminin.
Le plus logique ne serait-il pas de revenir à l'application de la règle unique qui impose la neutralité politique et religieuse dans le sport ?
Annie Sugier est l'auteure de Femmes voilées aux Jeux olympiques (2012, ed. Jourdan).
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